Nous, membres de la CREA et habitants du 70 allées des Demoiselles, réquisitionnons actuellement un bâtiment dont vous êtes propriétaire. Nous l’avons libéré en le transformant en un centre social autogéré et un lieu d’habitation pour une cinquantaine de personnes, majoritairement des familles avec enfants.
Nous l’avions occupé une première fois en avril 2011 alors que ni le ministère propriétaire du bâtiment, ni la préfecture de Haute-Garonne n’avaient de projet sur ce lieu laissé vide depuis 4 ans et destiné à le rester pour longtemps. Après un an et demi d’existence et un jugement expéditif, vous nous avez expulsé.e.s fin août 2012, malgré vos promesses et celles du ministère : « pas d’expulsion sans relogement ». Vous avez ainsi délibérément remis à la rue une quarantaine de personnes et une dizaine d’enfants.
Ne nous refusant jamais au dialogue, vous n’avez cessé de nous réprimer-expulser-remettre à la rue, alors que vos propres services d’hébergement d’urgence et de travailleurs sociaux orientaient constamment (c’est toujours le cas à l’heure actuelle) des familles et personnes en galère vers nous.
Ainsi, durant plus de deux ans, nous nous sommes organisés, entre galérien-ne-s, par nos propres moyens et pour nos propres besoins. En effet, il est clair que vos intérêts, ceux d’organiser la misère et l’exploitation, vont à l’encontre des nôtres. Au regard de la manière dont vous nous avez traités, nous ne sommes pas dupes : vous faites plutôt partie du problème que de la solution. Si vous prétendez le contraire, vous êtes assurément incompétent, voire dangereux.
Malgré l’acharnement dont vous avez fait preuve, nous n’avons cessé de lutter, et c’est tout naturellement qu’un an plus tard, en août 2013, nous sommes revenus chez nous. Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans la même situation qu’il y a un an : dans le même bâtiment, avec les mêmes personnes et d’autres encore ayant parcouru le labyrinthe de vos institutions avant d’être jetées au ban de la société.
A la suite de notre expulsion en août 2012, vous avez proposé à plusieurs associations d’occuper ce bâtiment. Elles ont toutes refusé, ne cautionnant pas vos méthodes. Seule la Halte de nuit, qui quémandait depuis 8 ans des locaux à vos services, a fini par accepter. L’État choisit ses pauvres, et les cadres de leurs conditions d’existence. Vous avez ainsi choisi, dans ce que vous considérez comme social, d’expulser des personnes habitant un lieu pour y accueillir des SDF dans des conditions inadaptées : un bâtiment muré, en utilisant seulement deux étages sur cinq, où la possibilité d’y dormir , « parqués » à plusieurs dans des box, ne serait-ce que quelques heures, a été arrachée par une lutte des SDF eux-mêmes.
Nous entendons par cette lettre prendre à témoin toutes les personnes qui voudront comprendre notre situation. Y compris nos détracteurs d’aujourd’hui, nos alliés d’hier qui marchent au jeu de la division et se désolidarisent de notre action pour préserver les quelques miettes que vous leurs concédez.
La Halte de Nuit a retrouvé des locaux, certainement mieux adaptés à son projet. Elle a également renoncé à continuer les poursuites contre nous. Mais la décision de justice a été rendue et nous sommes expulsables sans délais.
Il vous faudra dorénavant assumer publiquement et politiquement que vous nous expulsez sans autre raison que la volonté de nous remettre à la rue car vous n’avez plus le prétexte d’un quelconque projet sur ce lieu. Il vous faudra assumer vos contradictions et votre acharnement qui se soldera par la mise à la rue d’une cinquantaine de personnes, dont une dizaines d’enfants scolarisés dans le quartier depuis plusieurs années, et ceci à l’entrée de l’hiver.
Parmi nous, des galérien.ennes, des sans-toit, des sans-travail, des privé.e.s de papiers, des étudiant.e.s, des travailleurs.euses précaires, des gens qui en ont marre de votre système, des gens solidaires… qui vivent et s’autodéterminent ensemble. Contrairement à ce que vous ne cessez de propager, ici, personne ne manipule personne : ce qui nous anime et rassemble c’est le fait de nous réapproprier nos vies et les manières de les mener. C’est l’idée de justice sociale et de solidarité.
Vous nous direz sans doute, et cyniquement que « Vous ne faites qu’appliquer des décisions de justice ».
Nous entendons bien que dans votre logique et celle de la Justice, la propriété privée prévaut sur le droit d’usage et la solidarité. Mais dans la nôtre, celle qui sort des intérêts de la bourgeoisie, de l’État et du capital : des personnes dorment à la rue, des logements sont vides, donc nous réquisitionnons.
Nous prenons notre droit à l’autodétermination de nos vies. Nous refusons de nous résigner au jeu de la spéculation immobilière.
Ce que nous exigeons aujourd’hui, c’est de rester au 7O, allées des demoiselles. Nous sommes déterminé.e.s à continuer nos actions, à vivre selon nos moyens et nos convictions.
Tout pour tout.e.s, pouvoir au peuple !!!